Ils passent en courant, ou en marchant d'un pas très décidé. La plupart regardent leur pieds. S'ils sont à deux, ils s'échangent quelques regards et parlent.
Le vent fouette sans exception tous les visages.
Ils sont aussi garnis de multiples accessoires. Cigarette à la bouche, laisse de Fido, parapluie, boîte à lunch de Junior, sacs d'épicerie contenant le souper.
Ils tournent la tête une fraction de seconde pour constater que quelqu'un les épie depuis un moment déjà.
Du haut de ma chaise, bien au chaud (bien qu'il fasse assez froid si près de la fenêtre...), j'observe. Je contemple.
Certains marchent dorénavant tête baissée, contre la neige qui déferle. Sept avril, et il fait froid, il neige.
Un vieil homme en croise un autre.
« - Bonjour, bonjour!
- Bonjour monsieur chose!
- Eille, la neige, hen.
- Ben oui, ben oui.
- Aur'voir, là!
- C'est ça! »
C'est d'une platitude! Je n'ai pas hâte d'être vieille...
Un homme marche dans la rue, avec sa baguette Première Moisson. Pas sur le trottoir. Non, non, dans la rue.
Une femme finit sa cigarette avant d'entrer où je me trouve. Elle a froid, mais peu importe ; elle tire une autre bouffée de son bâton de la mort. Elle est du genre à avoir développé des tactiques au fil de ses années de fumeuse. Comme machinalement pichenotter sa clope dès qu'elle ne l'a plus en bouche.
Un vieil homme qui porte le béret et un très long imper brun m'a longuement regardée. Je ne bougeais pas d'un poil. Puis, j'ai souris. Je crois que je lui ai fait peur.
Certains courageux s'aventurent même à vélo par un temps pareil.
Un jeune homme asiatique récupère son bac de recyclage vert. En le retournant, plusieurs feuilles de papier s'en envolent. Il les regarde virevolter, puis rentre chez lui.
De temps en temps, un sourire m'est adressé. Je réplique toujours, bien entendu.
Ce n'est pas sorcier. Le sourire, c'est tellement communicateur (communicatif?). Avec la bouche, non seulement on peut parler, mais aussi rire, pleurer, faire la moue, sourire très subtilement, grimacer; avec la bouche, on peut faire savoir au principal intéressé, tout, et ce, très clairement. C'est fascinant. Et ça ne trompe pas.
Depuis le tout début, une belle gueule me regarde, elle aussi. Il y a même ce bel étalon blanc qui n'a d'yeux que pour moi.
Rien d'assez croustillant (à part le carré Rice Krispies que j'ai dévoré) ne se passe ici. Il n'y a seulement que le temps qui passe en face, mais partout autour de moi, aussi.
Là s'arrête mon écriture contemplative.
J'ai arrêté au mauvais moment. Comme je me levais de table et payais l'addition, un (le) joli bassiste de ce groupe dont je me délecte tant est rentré dans le café avec deux de ses amis. Secrètement, j'étais allée là-bas dans l'espoir qu'il y travaillerait aujourd'hui.
Mais je partais.
Je ne faisais que passer, comme tous ceux qui passaient sous mes yeux un instant plus tôt.
Je pars toujours au mauvais moment.
3 commentaires:
Joli billet.
Joli bassiste.
Jolie soirée, bien que je sois la seule à en voir la beauté.
Je suis d'accord avec toi pour ce qui est de la bouche. Pour ma part, elle est si expressive mais si peu utilisée.
J'aimerais écrire des beaux trucs comme ça. L'écriture contemplative. Pourtant, je regarde. J'en suis incapable. Alors je dessine.
M
merci.
je dois avouer que j'aime ce billet.
pour ce qui est de la contemplation, tu as bien trouvé le moyen de l'exprimer : par le dessin.
pis ça c'est ben beau.
moi, j'aimerais ça bien dessiner comme toi.
;)
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